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Les trésors sont sous les roches

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L’estuaire du Saint-Laurent est un écosystème qui livre ses secrets avec parcimonie. D’une part, parce qu’il est tellement hostile à l’humain qu’il est difficile à étudier; alors les chercheurs y sont peu nombreux. Et d’autre part parce que ses habitants savent se faire excessivement discrets.

On a beau approcher les animaux le plus délicatement possible en évoluant sous les flots, ils nous sentent toujours venir. Lorsque la visibilité est limitée, le résultat est qu’ils fuient avant même qu’on les aperçoive. Ça, c’est vrai pour les bons nageurs, comme les poissons pélagiques. Les animaux benthiques, eux, sont passés maîtres dans l’art du camouflage. Lorsqu’ils détectent notre présence, ils cessent de remuer la moindre écaille. Il faut vraiment avoir l’oeil alerte pour les repérer.

Comme si le défi n’était déjà pas assez relevé, plusieurs de ces mêmes animaux marins qui apprécient le fond comme milieu de vie savent se trouver les meilleures cachettes. Lorsqu’on explore l’estuaire, il faut donc scruter minutieusement les anfractuosités entre les rochers. C’est souvent là que se terrent les plus beaux animaux.

Pour repérer les cachettes du formidable loup atlantique (Anarhichas lupus), il y a un truc bien simple. Il faut trouver des sites dont les sols sont jonchés de coquilles broyées. Les mâchoires du loup sont puissantes et détruisent les exosquelettes et les coquilles qui protègent les proies qu’il consomme. Comme il ne mange pas très proprement, il est toujours assez aisé de repérer les restes de ses repas. Quand c’est chose faite, vous pouvez être quasi assuré de pouvoir observer dans l’instant qui suit un gros loup bien tapi dans son repaire.

Sur mes sites se trouve un autre poisson anguilliforme qui aime bien vivre lui aussi sous les roches. Il s’agit de la loquette d’Amérique (Zoarces americanus). C’est un poisson un peu plus petit que le loup, loup qui peut mesurer plus d’un mètre et demi de long. Et qui est plus difficile à trouver. Enfin cela est vrai sur mes sites, car il n’y est là pas très présent. Il apprécie davantage les faibles profondeurs, et mes sites sont des tombants profonds qui conviennent bien davantage au loup. Mais lorsque je parviens à croiser la route de la loquette, celle-ci se dissimule presque tout le temps entre des rochers. Je ne l’aperçois que très rarement sortie de son repaire.

L’on sait que les bouleversements climatiques provoquent de nouvelles migrations. L’une d’entre-elle concerne le homard américain (Homarus americanus) qui fuit de ce fait les eaux du sud pour celles du nord. Le secteur que je plonge représentait une limite difficilement franchissable pour cet animal. Parce que l’eau y est un peu trop froide à son goût. Mais cela était surtout vrai jadis. Depuis quelques saisons, je vois apparaître de plus en plus d’homards sur mes sites.

Chez nous, si on veut les voir en activité, il faut plonger la nuit. Durant le jour, il imite plusieurs des autres espèces de l’estuaire et il demeure bien caché sous les rochers.

Explorer l’estuaire du Saint-Laurent impose de modifier complètement notre attitude. Nos vies vont vite, on le sait, et lorsqu’on descend sous les flots, on a tendance à maintenir ce rythme et à nager beaucoup trop activement. Ce faisant, on passe trop rapidement devant les trous entre les rochers. Et c’est comme ça qu’on perd la chance d’observer les trésors du Saint-Laurent qui s’y tapissent.

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