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Sous chaque roche se cache désormais un homard

À chaque fois que j’accorde une entrevue à un média quelconque, la même question revient : est-ce que j’assiste à des changements importants dans les eaux de l’estuaire du Saint-Laurent.

Et à chaque fois, je dois mettre des gants blancs afin de répondre à cette question. D’une part, parce que je ne suis pas biologiste. Je suis un simple témoin qui descend dans ces profondeurs à fréquence régulière, certes, mais qui n’a tout de même pas l’autorité nécessaire pour décréter de nouvelles lois naturelles. Et d’autre part, parce que je ne veux pas jouer les alarmistes en moussant des problèmes qui assaillent le Saint-Laurent.

N’en demeure pas moins qu’il y a un changement assez spectaculaire que je peux ici mettre de l’avant afin de répondre à ladite question. Et celui-ci concerne la présence des homards qui est devenue franchement spectaculaire sur certains de mes sites de plongée.

Il y a 5 ans seulement, je n’apercevais que très rarement cette espèce dans les eaux de Baie-Comeau. Alors que ces jours-ci, pour mes dernières plongées de la saison effectuées dans la Baie-des-Anglais, le homard était sans l’ombre d’un doute l’espèce la plus commune, la plus facilement observable.

En fait, je pouvais apercevoir un homard sous chacune des roches où je portais mon regard.

Mais quelle serait la cause vers cette explosion de la population de homards dans les eaux de l’estuaire? Serait-ce parce qu’on aurait enfin dirigé une pêche responsable envers cette espèce? Non pas. Il n’y a pas de pêche au homard dans les eaux de Baie-Comeau.

Serait-ce alors dû à une amélioration de la qualité des eaux, ce qui permettrait le retour de cette espèce? Bien que la Baie-des-Anglais eut été dépolluée par Alcoa au fil des dernières années, on ne peut expliquer la hausse des homards à l’aide de ce seul facteur. Si tel était le cas, les autres espèces aussi auraient positivement été impactées par ce nouveau contexte, alors que leurs populations, elles, semblent tout à fait stables.

En fait, si on veut comprendre le phénomène de l’apparition soudaine des homards dans les eaux d’ici, il faut se tourner vers les bouleversements scientifiques. Depuis quelques années maintenant, les scientifiques expliquent la migration du homard vers le nord à l’aide de facteurs concernant le réchauffement des eaux.

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/734631/rechauffement-oceans-homards-cote-est-americaine

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1069300/homard-migration-golfe-saint-laurent-rechauffement-eau-nouvelle-angleterre-maine-peche-anticosti-fleuve-maritimes-larve

Quand j’ai publié la vidéo qui suit sur TikTok, plusieurs se sont réjouis de ce nouveau fait, arguant que c’était un signe que l’estuaire se portait bien.

En fait, il faut savoir que l’arrivée massive des homards ne sera pas sans conséquence sur les autres espèces de l’estuaire. Le homard est une espèce vorace, qui mange beaucoup. Lors de plongées de nuit, j’aperçois souvent des homards en train de dévorer des concombres de mer, des coquillages, des ousins, etc.

Mais plus grave encore, c’est qu’il faut bien comprendre que si les eaux se réchauffent suffisamment pour devenir confortables au homard, elles seront par le fait même trop chaudes pour des espèces comme le crabe des neiges ou la crevette nordique.

Ces changements rapides et drastiques ne laissent que peu de temps aux espèces pour s’adapter. Ce qui ne sera évidemment pas sans conséquence.

On verra ce à quoi tout cela ressemblera lors des plongées 2023.

Je vous tiendrai bien sûr au courant.

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