La journée où j’ai photographié un thon rouge


Régulièrement, on me demande si j’ai peur lorsque je photographie de gros animaux dans les profondeurs de l’estuaire du Saint-Laurent. Et toujours, je réponds que la plongée est plus à risque que les animaux que je rencontre. Et c’est vrai.

Mais il y a toujours une exception aux grandes règles. Et en voici une; voici une fois où j’ai été un peu stressé par un animal qui m’a foncé dessus.

Je vous raconte tout ça. Dès maintenant.

L’histoire commence la veille, en fait. Ce jour-là, des clients me suivaient sous l’eau. Nous étions encore en haut de la thermocline. Donc à environ 3-4 mètres de profondeur. La thermocline, c’est la jonction entre deux masses d’eau de température différente. En haut, l’eau est plus chaude. Et en bas, l’eau est plus froide. La thermocline bloque les particules. Ça veut dire qu’en haut, l’eau est trouble. Et en bas, l’eau est cristalline. C’est pourquoi on plonge toujours en bas de la thermocline.

Ceci étant dit, je vous ramène maintenant à ma plongée.

Sous l’eau, je scrutais les alentours pendant que nous effectuions notre descente, dans le but de traverser la thermocline. Soudain, à ma droite, j’ai vu apparaître une énorme masse dans cette eau complètement trouble. J’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un petit rorqual. Mais j’ai rapidement vu que tel n’était pas le cas.

Il s’agissait en fait d’un énorme thon rouge. Le poisson est passé tout juste devant moi. Mais impossible de prendre une photo dans cette eau trouble. Je me suis de ce fait retourné vers les plongeurs qui me suivaient, question de vérifier s’ils avaient vu ce que j’avais aperçu. Et la visibilité était tellement mauvaise qu’ils n’ont même jamais vu ce gros poisson !

Le soir, de retour à la maison, j’étais déçu et fâché. Je savais que j’avais manqué une occasion extraordinaire de réaliser une photo rare dans les eaux de l’estuaire. Peu avant de m’endormir, je me suis promis de retourner sur le site le lendemain, question de voir si les thons seraient toujours là. Mais bon, je n’y croyais pas trop.

Le lendemain, j’avais seulement une plongeuse avec moi à bord de mon zodiac. Elle avait une expérience limitée de plongée dans le Saint-Laurent. Alors il n’était aucunement question que je l’amène sur le site aux thons.

Nous avons débuté la journée en réalisant, ensemble, une plongée sur un site facile. Par la suite, je me suis dirigé sur le site où j’avais vu un thon la veille. Dès mon immersion, le même manège se produisit. Un gros thon passa devant moi, mais encore une fois, en haut de la thermocline. J’ai fait une photo…médiocre. On ne voyait quasiment rien. Je devais persévérer.

Je suis remonté dans le bateau, et je pris la décision de me déplacer un peu plus sur le bout de la pointe afin d’avoir enfin la chance de faire la photo tant espérée.

Arrivé sur le site en question, les petits rorquals étaient présents en nombre. Les marsouins aussi. Tout comme les phoques gris. Tout le monde s’alimentait. Je compris que j’avais pris la bonne décision de me déplacer à cet endroit, qu’il y avait là beaucoup d’action. J’étais convaincu que des thons étaient dans le secteur.

Alors que je me préparais pour plonger, la dame me dit que j’étais complètement fou de descendre, seul, sur ce site, à travers les baleines et les phoques. (je plonge toujours avec un système respiratoire de secours. Mais je ne recommande quand même à personne de plonger seul. Je le fais en acceptant les risques. Voilà, c’est dit).

Mais je voulais tellement la photo du thon! Alors je devais y aller, coûte que coûte.

En descendant, vers les profondeurs, je vis encore une fois un satané thon en haut de la thermocline. Je rageais car je ne pouvais pas faire ma photo, encore une fois.

Je pris alors la décision de descendre jusqu’à 35 mètres, pour m’accrocher au bord du précipice qui plonge jusqu’à 150-200 mètres de profondeur à cet endroit.

L’eau était glacée. Environ 1 degré celsius. Mais elle était cristalline. Le courant, lui, était ultra puissant. À 35 mètres, je me suis accroché avec mes genoux sur une roche afin de rester en place. À une telle profondeur, je n’avais pas beaucoup de temps de fond. Je scrutais le large, espérant voir apparaître un thon au plus vite.

Mais le thon n’est pas arrivé du large comme je l’anticipais. Il est arrivé à pleine vitesse, mais derrière moi. Le poisson fonçait en ma direction. Il faut savoir qu’il s’agit d’un des poissons les plus rapides des océans. Il semblait attiré par mes bulles qu’il semblait prendre pour de petits poissons.

Quand j’ai vu apparaître ce poisson énorme, dans mon angle mort, poisson qui me regardait de son oeil noir, j’ai fait tout un saut. J’ai quand même eu le réflexe de pointer ma caméra en sa direction et je réalisai mes photos. La rencontre n’a duré qu’un instant.

Accroché au récif, je regardai les photos sur l’écran de ma caméra. Elles étaient réussies. Je pouvais remonter. Mais je savais que la mission serait délicate, car le courant était encore plus puissant qu’au début de la plongée.

En regardant vers la surface, je pris un cap vers le zodiac. Je remontais en me cachant derrière les rochers qui me protégeaient du courant.

Je suis arrivé pile au bateau. Je tendis ma caméra à la dame. Elle vit dans mon regard de bonheur que j’avais réussi ma mission! Mais je ne crois pas qu’elle me trouvait moins fou qu’au départ ;)

Et voici les photos que j’ai prises ce jour-là! Un beau thon d’environ 1.5 mètre!

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