Elle a beau être petite et discrète, la rainette faux-grillon s’est immiscée dans la campagne électorale à Longueuil. Les quatre candidats qui se disputent la mairie peinent à comprendre comment le sort du batracien a pu prendre de telles proportions à l’approche du scrutin et ils comptent bien tenter d’y voir plus clair une fois les élections passées.
« On fait face à une erreur monumentale de la part de l’équipe actuelle », estime Josée Latendresse, la cheffe de Longueuil Ensemble. « Je ne sais combien d’autres erreurs on va voir au lendemain des élections. On avait déjà eu les cerfs de Virginie et là, c’est la rainette », rappelle celle qui, en 2017, avait mené une chaude lutte contre la mairesse actuelle, Sylvie Parent. « Les élus n’ont pas fait leurs devoirs avant de prendre une décision. »
Rappelons que la Ville de Longueuil a procédé aux travaux de prolongement du boulevard Béliveau afin de désenclaver les résidences qui se trouvent dans le secteur. Compte tenu de la présence de la rainette faux-grillon, une espèce menacée, Québec a accordé une subvention pour l’aménagement d’un corridor de la biodiversité sous le prolongement du boulevard.
Sauf qu’un avis scientifique rédigé par des experts du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs et rendu public seulement après le début des travaux a révélé que ceux-ci détruiront des habitats de reproduction de la rainette, mettant en péril une des dernières populations de l’espèce au Québec. Vendredi, la Cour supérieure a suspendu les travaux jusqu’au 8 novembre. https://a72f3738f6349f8f14520eeca1fb9c64.safeframe.googlesyndication.com/safeframe/1-0-38/html/container.html
« Ça pose beaucoup de problèmes de transparence. Je ne peux pas m’empêcher de trouver ça ironique que les travaux aient été faits de façon que ce soit pratiquement terminé le 7 novembre, souligne Catherine Fournier, cheffe de Coalition Longueuil. J’ai vraiment hâte qu’on puisse faire la lumière dans ce dossier-là. »
Les quatre formations politiques engagées dans la campagne électorale comptent toutes des élus au conseil municipal de Longueuil, qui a approuvé le prolongement du boulevard Béliveau. Jean-Marc Léveillé, de Longueuil Citoyen, soutient que ses élus ont été tenus dans l’ignorance quant à la menace que représentait le projet pour la rainette. « On avait le go du ministère de la Faune, celui du fédéral et des acteurs écologistes. Tout était beau. […] Mes élus ont dit que, s’ils avaient su que ça mettait la rainette en danger, ils ne l’auraient pas fait [approuver le projet] », explique-t-il.
Jean-Marc Léveillé affirme que, s’il l’emporte dimanche prochain, il commandera une enquête sur cette affaire : « Je veux aller au fond des choses. »
Deux élus d’Action Longueuil, le parti de la mairesse sortante, Sylvie Parent, que dirige maintenant Jacques Létourneau, siègent au comité exécutif. « Ils sont formels : les informations que les élus ont eues, c’est que les autorisations ont été données tant par le ministère de l’Environnement que par le ministère de la Faune, explique M. Létourneau. Comment se fait-il qu’en amont, on — et j’inclus les groupes écologistes ici — n’ait pas été plus sur ses gardes là-dessus ? »
Des milieux naturels à protéger
L’environnement fait d’ailleurs partie des plateformes électorales des quatre candidats. « Ça va être prioritaire qu’on identifie très bien tous les milieux humides dans le Vieux-Longueuil », indique Josée Latendresse. En matière de développement durable, elle compte notamment mettre en place une politique d’approvisionnement responsable et appliquer la notion de « quartiers 15 minutes », qui impliquent un aménagement où les services essentiels sont accessibles à moins d’un quart d’heure à pied ou en transport collectif. Catherine Fournier avance pour sa part que son administration entend protéger 1500 hectares de milieux naturels, dont les boisés Fonrouge et Roberval, non loin du boulevard Béliveau.
Jean-Marc Léveillé estime que le dossier de la rainette rend encore plus pertinente son idée de créer un Bureau de l’environnement à Longueuil avec le concours d’écologistes et de spécialistes. « Quand on veut des réponses de Québec, ça prend une éternité, dit-il. Je pense qu’on est [mûrs] pour avoir nos propres spécialistes si on veut [s’occuper] de notre environnement. »
Les citoyens sont peut-être préoccupés par l’environnement, mais, sur le terrain, ils parlent surtout de sujets de proximité parfois très terre à terre, constate Jacques Létourneau. Ils signalent les trottoirs en mauvais état, demandent le retour de la collecte hebdomadaire des déchets plutôt que toutes les deux semaines et l’autorisation de faire des feux dans les cours. « Il y a encore un combat. Est-ce que les gens sont prêts à changer leurs propres pratiques ? » dit-il.
Il ne reste que quelques jours à la course à la mairie. Depuis le début de la campagne, Catherine Fournier bénéficierait d’une confortable avance devant ses adversaires. Le sondage CROP réalisé pour le compte de Radio-Canada et mené du 7 au 16 octobre lui accorde 33 % des intentions de vote, contre 10 % pour Josée Latendresse, 6 % pour Jean-Marc Léveillé et 4 % pour Jacques Létourneau. Le taux d’indécis demeure cependant élevé, à 44 %.
Catherine Fournier reconnaît que ces chiffres sont « enthousiasmants », mais encore faut-il que les électeurs se rendent aux urnes, dit-elle. Josée Latendresse soutient qu’elle ne perçoit pas un tel écart sur le terrain et que l’accueil est « extrêmement positif ».
Les deux autres candidats abondent dans ce sens. Jacques Létourneau presse ses troupes de ne pas porter attention au sondage outre mesure. « Je dis à ma gang : “C’est comme pour les réseaux sociaux, n’écoutez pas ça” », dit-il. Jean-Marc Léveillé déplore de ne pas avoir eu droit à la même attention médiatique que ses adversaires et reproche à LCN de l’avoir exclu de son débat télévisé.
En 2017, le taux de participation aux élections avait atteint 33,1 % à Longueuil.
Rectificatif: le texte original a été modifié pour indiquer que ce sont bien les quatre formations politiques engagées dans la campagne qui comptent des élus au conseil municipal, qui a approuvé le prolongement du boulevard Béliveau.