Depuis quelque années, la vie tend à disparaître à vitesse grand V dans le boisé du Tremblay, l’un des derniers couverts forestiers de la Montérégie.
Quand j’ai commencé à m’intéresser à la question de la rainette faux-grillon, l’on retrouvait plusieurs sites propices à cette espèce dans ce boisé. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les rainettes ont à peu près complètement disparu de cet endroit.
Et on s’est posé bien des questions afin d’en comprendre la cause.
Il est clair que le sentier qui a été aménagé en plein coeur de ce site a attiré trop d’humains, ce qui a perturbé la quiétude des lieux. La rainette faux-grillon n’apprécie pas tout ce dérangement. C’est certain.
Une population de castors s’est également installée au coeur du boisé du Tremblay, ce qui a perturbé les niveaux d’eau. Ça non plus, la rainette faux-grillon n’apprécie pas tellement. C’est un amphibien qui vise les étangs temporaires pour pondre ses oeufs. Trop d’eau signifie que son cycle de reproduction est perturbé.
La présence importante de l’envahissant nerprun cathartique nuit également beaucoup. Il s’agit d’un arbuste toxique que ne tolère pas bien la rainette faux-grillon.
Si ces derniers facteurs (et il faut aussi considérer les bouleversements climatiques) ont un impact négatif certain sur la rainette faux-grillon, ils ne sont pas suffisants pour expliquer la disparition de la rainette faux-grillon du boisé du Tremblay, alors que des populations subsistent tout juste à côté (Fonrouge et Vert-Urbain). En fait, je parle de la disparition de la rainette, mais je devrais plutôt parler de la disparition quasi complète de toutes les espèces d’amphibiens dans le boisé du Tremblay. Et même des oiseaux. Et des insectes. D’année en année, le boisé du Tremblay est de plus en plus silencieux. Tranquille. Exempt de vie.
Ce qui fait fuir ainsi les animaux? Je demeure convaincu que c’est le dépôt à neige de la Ville de Longueuil.
Celui-ci est installé en périphérie du boisé du Tremblay. Du mois d’avril jusqu’à l’été, il laisse s’écouler une eau empoisonnée dans les milieux humides que l’on retrouve à cet endroit.



Je ne suis pas un chimiste. Ni spécialiste de l’analyse des eaux. Je ne peux donc pas émettre d’opinion scientifique quant à la composition de cette eau. Mais on a demandé à des experts de l’évaluer. Et le verdict est que cette eau est beaucoup trop salée (sels de déglaçage) pour permettre à des animaux aussi fragiles que des amphibiens d’y survivre.
Ces sels tuent en plus les arbres du secteur. Déjà que l’agrile du frêne avait fait un véritable carnage dans le boisé du Tremblay, voilà que les sels diffusés dans l’environnement par le dépôt à neige viennent compléter la job. Une évaluation aérienne a été réalisée ces dernières années afin d’évaluer le couvert forestier dans ce secteur. Et le verdict était à l’effet que 90% des arbres près du dépôt à neige étaient morts. Ce que j’ai vu hier, en circulant à cet endroit le confirmait. C’était vraiment la désolation.
Cette eau est aussi problématique de par sa température. Elle est beaucoup trop froide (elle provient directement d’une immense masse de neige souillée) pour permettre la reproduction des amphibiens. Même les espèces, comme la faux-grillon ou la grenouille des bois, qui tolèrent des températures assez froides, ne peuvent qu’en être impactées.
Et elle est en plus chargée en sédiments. Il s’agit de comparer l’eau du boisé du Tremblay qui ne vient pas du dépôt à neige pour voir la différence.


Bien sûr la Ville de Longueuil tente de limiter les impacts négatifs du dépôt à neige sur le boisé du Tremblay, qui est un refuge faunique en passant. L’eau d’écoulement est contenue dans un canal le plus longtemps possible, afin qu’elle n’inonde pas les milieux humides qui se trouvent à la proximité immédiate du dépôt. Mais quelques centaines de pieds plus loin, l’eau est libérée et contamine le milieu humide au complet comme on peut le voir sur la photo ci-bas que j’ai prise hier. Tout juste à côté se trouvent des étangs aménagés pour la rainette. Ai-je besoin de vous dire qu’aucune rainette ne chantait à cet endroit, hier?


La Ville soutient aussi que l’eau est filtrée avant d’être relâchée dans la nature. Pour l’heure, on ne connaît pas la méthode de filtration qui est employée. Mais on sait par contre qu’elle n’est pas suffisante car l’eau qui se retrouve dans l’environnement est, selon les analyses indépendantes, trop salée pour être bénéfique pour les animaux. Je le répète.
Qui plus est, l’eau du dépôt s’écoule vers la nappe phréatique avant même d’être filtrée, puisqu’elle parvient à passer à travers la dalle de béton sur laquelle est déposée la neige souillée. La Ville semble s’inquiéter du problème puisqu’un puits est installé sur le site. Probablement pour évaluer l’eau de la nappe phréatique. Mais bon, cette information reste à être confirmée.


En 2022, le quincailler Canac Marquis a été condamné à payer une amende de 40 000$ pour avoir soufflé de la neige dans un habitat de rainette faux-grillon. Mais à Longueuil, la Ville peut laisser s’écouler toute l’eau polluée de son dépôt à neige dans un refuge faunique en toute impunité. Il y vraiment là une incohérence énorme!
Amende de 40 000$ pour de la neige soufflée dans un habitat protégé
Ça fait maintenant plus d’une décennie que cette eau s’écoule du dépôt à neige vers les milieux humides du boisé du Tremblay. Ces dernières années, on a vraiment commencé à en mesurer tout l’impact.
Je suis pour ma part convaincu d’une chose désormais. Si on veut que le boisé du Tremblay soit un refuge faunique digne de ce nom, on doit déplacer le dépôt à neige. Et dans les plus brefs délais.
Tant que cette infrastructure sera en opération, le boisé du Tremblay se mourra. Pour moi, c’est clair et net.