En conférence, je raconte souvent cette histoire. Quand j’étais jeune et que nous partions en vacances, mon père devait laver le pare-brise avant d’arriver à destination. Et ce, parce que des insectes s’y écrasaient au fur et à mesure que nous progression sur les routes du Québec.
Aujourd’hui, quand je quitte la Côte-Nord pour me rendre à Montréal ou à Québec, je n’ai pas besoin d’imiter mon père. Mon pare-brise demeure exempt de taches d’insectes tout le long des centaines de kilomètres que je parcours.
Cela prouve, d’une certaine façon, que les insectes forment une famille animale en recul prononcé. Et je ne suis pas le seul à relever ce problème. Une équipe de chercheurs internationaux est arrivée à la même conclusion. Ils ont précisé le problème en soulignant que les changements climatiques, l’intensification de l’utilisation des terres pour l’agriculture et la construction domiciliaire, de même que les espèces envahissantes avaient de violents impacts sur les populations d’insectes.
C’est à la demande de Florian Menzel, de l’université Johannes Gutenberg de Mayence, de Martin Gossner, de l’Institut fédéral suisse de recherches sur la forêt, la neige et le paysage, et de Nadja Simons, de l’université technique de Darmstadt que ces chercheurs ont tenté d’expliquer la cause du déclin spectaculaire des insectes de par le monde.
Les chercheurs ont expliqué que les écarts de température entre jadis et aujourd’hui avaient eu un impact déterminant sur les populations de bourdons d’Amérique du Nord. 37 des 46 espèces étudiées sont aujourd’hui en recul important.

Les bouleversements climatiques n’affectent pas seulement les températures. Ils modifient aussi les précipitations. Au Danemark, les chercheurs ont remarqué que des espèces de fourmis qui appréciaient les terres humides ont proliféré alors que les fourmis qui aiment les terrains secs sont en recul.
Dans le boisé du Tremblay, à Longueuil, on a remarqué que les fourmis de type lascius, fourmis qui construisent des fourmilières en milieux humides, connaissent de plus en plus de difficultés au fur et à mesure que les niveaux d’eau descendent au printemps.

©Patrick Bourgeois
Au cours des dernières décennies, les terres qui ont changé de vocation ont eu également des impacts non-négligeables sur les populations d’insectes. Les monocultures sont beaucoup moins propices à accueillir des insectes de manière efficace, d’autant que ces terres sont aspergées de pesticides.
Ici, au Québec, il faut très certainement regarder du côté du BTi, un insecticide supposément biologique et qui est diffusé un peu partout sur le territoire afin de réduire les populations d’insectes piqueurs pour un peu mieux comprendre ce qui arrive aux insectes de chez nous. Les études démontrent maintenant que le BTi n’a pas seulement des impacts sur les moustiques. Il affecte même les amphibiens.

©Patrick Bourgeois
Et finalement, les espèces invasives ont contribué elles aussi à la disparition progressive des insectes. Les chercheurs de l’étude ont présenté le cas de poissons non-indigènes et qui se retrouvent désormais au Brésil. Ceux-là ont dévoré des espèces d’arthropodes à un rythme plus important que les poissons indigènes.
« Nous avons appris que l’intensification de l’utilisation des terres, le réchauffement climatique et la dispersion croissante des espèces envahissantes ne sont pas les seuls facteurs de la disparition des insectes à l’échelle mondiale, mais que ces facteurs interagissent les uns avec les autres. »
Florian Menzel, Université Johannes Gutenberg de Mayence
Source : ZMEscience.com