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Doit-on se réjouir de l’accord sur la biodiversité?

  • Je ne suis pas biologiste. Ni un expert en biodiversité. Je ne suis qu’un faiseux d’images qui donne son opinion.

La COP15, qui se tenait à Montréal, s’est conclue dans la nuit de dimanche à lundi par l’adoption d’un accord concernant la protection de la biodiversité, accord qu’on dit historique. Rien de moins.

S’il faut en croire les intervenants concernés, les mesures contenues dans cet accord, si elles sont toutes vraiment appliquées (là est le problème d’ailleurs), changeront complètement la face de la planète d’ici 2030.

Que l’accord demande aux pays de protéger 30% de leurs territoires, qui peut être contre ça? Qu’on s’engage à protéger aussi 30% de la superficie des océans, c’est encore mieux!

À l’heure actuelle, il n’y a que 17% des terres et 8% des mers qui sont protégées à l’échelle mondiale. Et au moins 75% des écosystèmes de la planète sont endommagés d’une façon ou d’une autre par l’activité humaine. Alors qu’au moins 1 million d’espèces animales ou végétales sont menacées. C’est énorme! Il est vraiment temps de faire quelque chose par rapport à ça.

Ça fait plusieurs années que je trouve qu’on mise un peu trop sur le climat et pas assez sur la biodiversité. Cet accord vient en quelque sorte inverser la tendance. C’est une bonne chose.

Un passage que je trouve fort intéressante dans cet accord contenant 24 objectifs, c’est la nécessité de restaurer au moins 30% des écosystèmes. Au départ, je trouvais que 30%, c’était peu. Mais en même temps, je sais pertinemment qu’une restauration peut prendre beaucoup de temps. On doit accorder du temps à la nature endommagée pour qu’elle se rétablisse. Ça, c’est la belle formule générale qui ne dit pas grand chose. J’en conviens.

Restaurer un écosystème, qu’est-ce que ça implique?

Dans les faits, pour restaurer un écosystème, il faut tout d’abord cesser de l’endommager. Ça aussi, c’est assez évident. J’en conviens également.

Je précise ma pensée en demandant si les territoires à restaurer feront bel et bien partie des territoires à protéger? Cette information, je ne l’ai pas trouvée dans l’accord. Il est clair pour moi que les territoires à protéger ne pourront plus être soumis à des pratiques industrielles irresponsables et dignes d’un passé qu’on souhaite révolu. Ça devra aussi être le cas pour les territoires à restaurer.

Le macrophotographe en moi était très heureux de lire que l’Accord recommande une réduction drastique des pesticides et autres produits dangereux. On sait que ces substances sont très néfastes pour les insectes et autres représentants de la micro-faune. Elles contribuent de façon formidable à dégrader les écosystèmes.

Mais pour restaurer un lieu dégradé, il faut faire plus qu’arrêter de couper les arbres ou arrêter de polluer le milieu. Il faut aussi connaître suffisamment le territoire pour savoir quelles mesures précises adopter afin de le restaurer vraiment. Et parfois, cela passe par la réintroduction d’une espèce donnée. Les chercheurs savent désormais que les espèces ne sont pas toutes aussi importantes les unes que les autres pour un écosystème donné. Il y a les espèces-clés sans lesquelles un milieu ne peut fonctionner adéquatement. Je donne quelques exemples.

Dans les années 1990, on a réintroduit le loup dans le parc Yellowstone aux États-Unis. Et l’impact a été fulgurant. Le paysage changeant même puisque les grands herbivores ne pouvaient plus tout brouter sur leur passage, dans les milieux à découvert. Des arbrisseaux ont de ce fait effectué leur retour. Les insectes et oiseaux aussi. Et même les troupeaux de grands herbivores se portent aujourd’hui mieux car les loups ciblent les individus les plus faibles, les moins aptes à donner un avenir à l’espèce.

Sans le loup, le parc de Yellowstone est malade. Rien de moins.

En Écosse, là où on a abattu le dernier loup il y a des siècles de cela, on voit ce que donne l’absence de grands prédateurs.

À cause de cela, les forêts ne parviennent pas à faire leur retour après avoir été rasées par l’homme. Pourquoi? Parce que le système est déséquilibré. Les cerfs, qui ont su s’adapter à ces grandes landes, dévorent les arbres avant qu’ils ne puissent pousser, et ce, parce qu’aucun prédateur ne contrôle leur nombre.

©ALEXANDRE MARCHI / MAXPPP

Des enclos ont été installés afin de bien mesurer l’impact des herbivores sur le paysage d’Écosse. Les forêts sont en mesure de repousser dans les enclos où les cerfs ne peuvent aller, mais elles ne repoussent pas autour.

Pour l’heure, l’humain joue le rôle de grands prédateurs dans cette région du monde. Des centaines de cerfs sont chaque année abattus dans les parcs nationaux afin de donner une chance à la nature de se rétablir des mauvais traitements infligés par l’homme. Plus intelligent serait de tout simplement réintroduire les prédateurs du passé comme le loup ou l’ours.

Pour rétablir un écosystème, il faut donc songer aux grands prédateurs. Et au changement des mentalités humaines aussi. On voit en Europe tout le débat que soulève le retour du loup. Certains voudraient les abattre afin de protéger les troupeaux ou pour tout autre raison plus ou moins justifiée. Et pourtant, sans eux, la nature ne tourne pas rond. Cela, il faut le comprendre, et vite.

Au Québec aussi il nous faudrait le comprendre. Le cerf de Virginie endommage bien des milieux. Réintroduire le loup au sud du Saint-Laurent, voilà une mesure qu’il faudra bien un jour ou l’autre envisager.

Dans les mers aussi, il faut songer au sort des grands prédateurs. Oui, oui, je parle ici des requins.

Actuellement, on tue 100 millions de requins par an. C’est un véritable scandale écologique. Or, les requins prennent soin des écosystèmes en prélevant les individus les moins en santé. Ou en imposant une écologie de la peur. Je m’explique.

Les chercheurs ont découvert que les requins ne mangent pas tant de tortues marines que ça, mais leur simple présence modifie le comportement des reptiles. L’impact est important et a bien été mesuré sur les prairies marines d’Australie. Sans requin, les tortues dévastent bien tranquilles les herbiers, eux qui capturent beaucoup plus de carbone que les forêts tropicales. Quand les requins sont présents, les tortues modifient leurs comportements et restent moins longtemps à découvert, dans les prairies marines, ce qui les préservent du broutage excessif.

©Patrick Bourgeois
©Patrick Bourgeois

Un défi énorme : les espèces invasives

Ce que j’aime de cet accord, c’est qu’il pointe du doigt bien des éléments qui contribuent de façon formidable au déclin de la biodiversité. Les espèces invasives figurent bien évidemment sur cette liste.

Après la destruction des habitats, les espèces invasives constituent la plus grande menace à la biodiversité. L’accord stipule qu’on doit freiner leur introduction de 50% d’ici 2030.

Le problème est que les espèces invasives déjà implantées dans un milieu peuvent carrément empêcher la restauration dudit milieu, restauration que vise l’accord en question. Prenons le fleuve Mississippi pour exemple.

Comment restaurer ce grand cours d’eau sans éliminer du même souffle la carpe asiatique, poisson qui a contribué de façon extraordinaire au déclin des espèces aquatiques qu’on retrouve à cet endroit? Mais surtout, comment éliminer la carpe asiatique du Mississippi?

Les espèces invasives coûtent annuellement des milliards$ aux États. Et la plupart du temps, une fois qu’elles sont implantées, il n’y a plus rien à faire.

Arrivé avec l’eau de ballast des navires, le gobie à tache noire a complètement envahi le fleuve Saint-Laurent

On peut penser à la rascasse volante qui décime les populations de poissons des Bahamas, de Floride, ou du golfe du Mexique. Certaines solutions sont avancées, comme placer ce poisson sur le menu des restaurants, mais il ne s’agit là que d’un sparadrap appliqué sur une fracture ouverte. La vérité est qu’il est impossible de retirer ce poisson du Pacifique des écosystèmes Atlantique.

Un accord positif tout de même

Je suis malgré tout satisfait de cet accord. Son contenu touche la plupart des problèmes qui provoquent des déclins importants de la biodiversité à l’échelle mondiale.

Bien sûr, il n’y a rien de contraignant dans cet accord. Les États pourraient fort bien ne rien faire en ce sens et rater leurs objectifs d’ici 2030. Un peu comme c’est le cas avec l’accord de Paris sur le climat.

Mais je me dis que cet accord sur la biodiversité, c’est au moins un pas dans la bonne direction.

***

Je m’arrête là pour le moment. Il y aurait encore bien d’autres choses à dire sur cet accord. Je le ferai dans des textes ultérieurs que je publierai sur mon blogue dans les prochains temps à venir.

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